Souvenirs d'enfance
Je suis né au bord d’un ravin, dans une masure au pied d’une
colline abritant quelques arbres rares et qui n’existent, à ma connaissance,
que sur ce monticule. Leurs feuilles sont sous forme de petites aiguilles. Leurs fruits,
un peu plus grands que les petits pois, sont de couleur orange quand ils sont
mûrs. Leurs troncs et Leurs branches sécrètent une sorte de gomme au goût acre et
que nous mâchions comme du chewing-gum. Au sommet de ce monticule trônait Sidi
Messoud, un amas de pierre en forme d’un carré arrondi aux coins qui
constituent des niches où certains allumaient des bougies pour attirer la
bénédiction du saint. Ce lieu était sensé renfermer le tombeau du dit saint Sidi
Messoud.
Le tombeau, s’il en était vraiment, fut un jour violé par quelque
chercheur de trésor. En effet, plusieurs lieux portent des noms de saint
étaient, et sont toujours, des endroits respectés par les gens, mais qui sont
en réalité des signes pour marquer l’emplacement d’un trésor enfoui il y a
très longtemps, d’après certaines rumeurs. Toujours est-il que ce lieu a bel et
bien été violé car un jour nous avions trouvé une grande fosse béante dans son
enceinte. C’était l’indignation totale.
Cette colline verdoyante au printemps et aride en été avait
une vue stratégique dans la direction de l’Est, où s’étendent les vastes et
seules plaines de la région, et dans celle de l’Ouest où émerge le village à
quelque quatre kilomètres plus loin. Assis sous l’un de ces arbres que nous
appelions Tekka, nous admirions les environs qui s’offraient à nous dans une
vision panoramique sidérante. Cette élévation était une offrande divine contre
la canicule estivale car une légère brise fraiche y soufflait continuellement
et l’ombre offerte par ces arbres constituait un réel confort dans cette pauvre
campagne.
Le suivi des véhicules qui sillonnaient la route sinueuse
qui serpentait à travers les ravins au pied de la grande montagne, constituait
l’unique antidote contre l’ennui et la routine. Mais notre ouverture sur le
monde était assurée par la radio qui nous accompagnait et les livres que nous
pouvions trouver. Nous passions les après-midis étendus dans l’ombre sur une
peau de mouton ou assis sur les pierres que nous avions aménagées en forme de
chaises plus ou moins confortables jusqu’au coucher du soleil. C’est alors que nous allions rentrer les bêtes à l’étable
pour enfin prendre rendez-vous sur la route pour notre promenade nocturne.
Enfants, nous jouions jusqu’à ce que la nuit noire et la
fatigue nous obligeaient à rentrer dans nos chaumières. Nous pratiquions
différentes sortes de jeux. Chaque saison avait son jeu propre. Les jeux qui exigeaient une grande activité étaient surtout pratiqués pendant les froides
saisons. Cela nous permettait de nous réchauffer. Il y avait également des jeux
spécifiques pour chaque moment de la journée. La chasse aux oiseaux était très
prisée par tous les enfants. Mais les oiseaux étaient rares et souvent nos
pièges en fil de fer restaient dressés jusqu’au lendemain sans prise aucune.
En dépit de tout, nous, enfants, étions insouciants car le
monde se limitait pour nous à ce cercle de hautes montagnes qui cernaient notre
campagne de toute part, l’enfermant dans une prison naturelle dont la seule
issue était la route nationale et un ciel dont la prodigieuse immensité nous
émerveillait surtout en été où sa crudité faisait ressortir un essaim d’étoiles
scintillantes dessinant des formes qui nous subjuguaient et déchainaient
notre imagination naissante.
à suivre...
à suivre...
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